Février 2021 – Notre Appartement
Nous y voilà. Nous sommes « après ». Après la greffe, après la leucémie, après l’accouchement. On y est arrivés. On atteint enfin la lumière qui se cachait au bout du tunnel, enfouie sous des milliers d’examens sanguins, des tonnes d’angoisse et un nombre incommensurable de moments de doute. Mais on ne l’a jamais lâchée de l’œil, cette petite lumière, et nous y voici enfin.
Alors évidemment, tout n’est pas fini, une leucémie, il faut du temps pour la laisser derrière soi. Mais chaque jour qui passe nous éloigne du rejet de greffe, nous rapproche de la rémission. Bien qu’il soit marqué dans son corps et son ADN, Gauthier a traversé cette épreuve avec un courage admirable. Sa force et sa détermination sont un exemple au quotidien pour Marceau et moi.
Nous avons trouvé notre équilibre, celui d’une nouvelle famille qui sait qu’elle n’est pas passée loin de ne plus l’être. Celui de jeunes parents aussi, tout simplement. Marceau grandit merveilleusement bien, ses éclats de rire et ses blagues nous font penser qu’il est tout aussi résilient que nous. Il vénère son papa, et leur complicité est un rayon de soleil permanent. Nous pansons nos blessures sereinement, doucement, tendrement.
Me focaliser sur Orta pour tenir la leucémie de Gauthier à distance a eu des résultats surprenants ! L’entreprise est dans une courbe ascendante qui se confirme de mois en mois, nous offrant stabilité et liberté dans nos projets d’avenir. Nous venons de déménager dans de plus grands bureaux, afin d’accueillir notre équipe en pleine croissance.
C’est tout un symbole pour moi. J’ai toujours rêvé que nos bureaux soient à l’image de notre société, qu’ils représentent son âme, son état d’esprit. Que chacun y ait son espace, se sente faire partie intégrante d’une structure solide et confortable.
Et aujourd’hui, je pense que nous avons trouvé cet endroit. Grand, lumineux, élégant et cozy, il nous laisse respirer, tout en résonnant d’éclats de rire et de discussions sérieuses. Comme à la maison !
Cette maison que je parcours avec bonheur, suivant les jouets de Marceau à la trace, souriant à Gauthier qui joue avec lui. Chaque matin, je me rappelle la chance que j’ai de les avoir tous les deux auprès de moi. Parce que leur absence est inscrite dans ma chair, laisse des traces dans mon cœur.
Souvent, on nous a dit « Vous verrez, après, tout sera différent, vous vivrez différemment ». N’ayant pas une grande expérience en leucémie, je ne pouvais que croire ce que l’on me disait. Mais j’avais néanmoins un doute, partagé par Gauthier . Et ce doute a pris la tournure d’une conversation qui nous a profondément marqué tous les deux.
Durant l’une de ces nuits entre blanc et gris alors que Gauthier encaissait sa chimiothérapie, je lui ai demandé comment il envisageait l’après.
– Marion, pour moi, tout ce que je veux, c’est retrouver la vie que nous avions avant. C’est ça ma vie de rêve : nous, notre enfant, cette entreprise qui nous passionne tous les deux, nos familles, nos amis, notre foyer. Les voyages qu’on faisait avant, les apéros en terrasse, les soirées remplies de fous rires. Je ne veux rien de plus, c’est déjà le paradis.
En entendant cela, mon coeur a trouvé sa place. C’est exactement ce que je ressentais. Ce sentiment d’être parfaitement là où je souhaitais être, cette impatience de retrouver notre vie d’avant, de vivre notre nouvelle vie de famille. Nul besoin de voyages au bout du monde, de changer de boulot ou d’une nouvelle voiture rutilante. Nous avions exactement la vie dont nous rêvions, et tout ce à quoi nous aspirions, c’était de la retrouver.
Ce sentiment m’a submergée, quel bonheur, quelle chance !
Et puis à la réflexion, il n’y a là-dedans aucune chance. Il s’agit d’une suite de décisions que nous avons prises, Gauthier et moi. Depuis longtemps déjà, je me suis astreinte à écouter mon instinct, à chercher cette petite voix lorsqu’elle était enfouie sous les doutes et les décombres de ma confiance en moi. J’ai parfois pris des risques, je me suis trompée, j’ai échoué, j’ai recommencé, mais j’ai tenté d’aligner chacune de mes décisions avec ce que je ressentais au plus profond de moi.
Je n’ai fait aucun compromis sur mes rêves, même s’il m’a fallu de nombreux détours pour les atteindre. Je me suis parfois égarée en chemin, j’ai de temps en temps suivi des voies qui n’étaient pas les miennes, mais je suis toujours revenue sur ma route.
Ce ne sont pas quelques grandes décisions radicales qui m’ont mené à la vie que je souhaitais, mais bien une suite de micro décisions quotidiennes.
Et là, en jetant un regard vers ce précipice dans lequel j’ai failli tout perdre, en apercevant mon futur, entourée de mes deux amours, je me dis qu’elles n’étaient pas si mauvaises ces décisions !
Je ferme doucement la porte de la chambre de Marceau, laissant mon fils endormi avec un sourire au coin des lèvres. Je rejoins Gauthier dans le canapé, je regarde autour de moi. Mon cœur, libéré de sa cage, se love confortablement au creux de ce bonheur. Je respire.
Tout ira bien.

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